La dictée
Un jeu d’enfant
L’enthousiasme n’était guère de mise à l’heure du cours d’orthographe et de grammaire françaises. « Ouvrez votre livre page quatre-vingt. » Et ainsi, tous les mardis, nous nous retrouvions embarqués dans les méandres de notre langue maternelle. Maternelle sans doute, mais pas aussi indulgente
que nous l’aurions souhaité ! Des préfixes par-ci, des suffixes par-là, des subordonnées relatives aux antécédents pas clairs, des compléments circonstanciels, des participes présents jouant les adjectifs. Rien ne nous fut épargné, pas même l’imparfait du subjonctif dont nous nous serions bien
passés. Il fallait ouvrir grand les oreilles. Pas question de bayer aux corneilles sous peine d’un zéro pointé au contrôle du lendemain, que le maître émaillait de chausse-trapes sans cesse renouvelées. Chacun avait sa botte secrète, quelque moyen mnémotechnique, pour parer ces embûches. « Mon ami
m’apostropha rudement lorsqu’il s’aperçut que j’aplatissais son vieux vinyle pour l’aplanir. Je parvins à l’apitoyer et il s’apaisa » me faisait souvenir de ne pas doubler le p de ces verbes en ap-.
Quelquefois, la voix de ce maître resurgit pour me souffler une étymologie ou un accord. Mais aujourd’hui le plus surprenant est que, après tant d’heures arides pour nombre d’entre nous, des cohortes entières de passionnés de tout poil se jettent goulûment sur les dictées les plus difficiles : l’orthographe, paraît-il est devenue un jeu !